La fabrique des bâtards
La fabrique des bâtards
Par Magnus Latro
ch. 1
On démarre sur des chapeaux de roues ; l'auteur nous attrape dès les premières phrases et nous garde scotchés. On sait tout de suite de quoi il s'agit tout en se demandant si cela ne cache pas autre chose. Le vocabulaire est varié et le français respecté.
Ch . 2
'Demain est en gestation. Il sommeille en aujourd’hui et il deviendra ce que chacun en fera. Rien n’est jamais écrit, mais les choses à venir se dessinent dans le présent. Elles apparaissent, parfois, en arrière-plan, ou dans la lumière crue de l’actualité. Les faits se répètent. Ils sont têtus. Seule leur interprétation évolue, à la lueur de nouveaux événements. »
Voici comment démarre ce chapitre. L'auteur prend un peu de recul pour laisser souffler ses lecteur(trice)s, et pose tranquillement le tableaux afin de ne pas perdre le fil. On suit bien les personnages même si parfois il semble qu'on loupe une marche, l'auteur nous rattrape aussitôt.
Ch. 3
Une vue d'ensemble nous cache un peu les personnages, sans toutefois nous les faire oublier. Jusque là il semble que l'auteur avance pas à pas dans une structure prédéterminé ; ce qui donne à l'ensemble un côté un peu tranchant. L'histoire reste fort intéressante et nous incite à lire la suite.
Ch. 4
Assis à l’arrière de la voiture, il place le biberon dans la bouche du nourrisson qu’il tient dans le pli du coude et le regarde téter, yeux grand ouverts, reconnaissant, les bras écartés, ses petits poings serrés. Le parking est quasi désert. Un camion, dont les vitres de la cabine sont obstruées par des rideaux, dissimule une partie du paysage. Un peu plus loin, un visiteur de commerce somnole dans sa voiture, le siège incliné en mode couchette. La circulation est clairsemée sur la route nationale. De rares voitures troublent à peine la quiétude des lieux. Les quelques arbres plantés là arborent leurs feuillages d’été, dispensant une ombre bienvenue en cette chaude journée.
On constate l'aisance du phrasé, la facilité avec laquelle l'auteur ,et en place les situations tout en prenant le temps nécessaire pour décrire le paysage, en y ajoutant même de petits détail drôles iou émouvants.
CH.5
« Ils contournent la bâtisse, dont la façade de style Italien dissimule un château médiéval construit en surplomb d’une imposante falaise. La vue s’étend au loin sur les forêts alentour, au-delà d’une rivière alanguie. La lumière du soir caresse les pierres calcaires. Une grande chapelle est adossée au mur d’enceinte qui surplombe le vide. Le lieu est paisible, entretenu avec soin. Des cris et des bruits d’eau évoquent des jeux d’enfants au bord d’une piscine. Victor est poussé vers une porte basse, close par un lourd vantail de chêne que tire l’un de ses geôliers. Elle révèle un couloir vouté éclairé par des appliques évoquant des flambeaux. « Un peu kitch », se dit le prisonnier. Il est poussé vers une pièce, tout juste éclairée par une meurtrière, dont la porte est claquée et verrouillée dans son dos, sans un mot. »
Voilà un extrait qui démontre bien le style de l'auteur : un texte fluide, aéré, agréable ; qui comporte toutefois toutes les informations dont on a besoin, sans jamais dévier ou s'éparpiller en de vains détails.
Autant le début est fluide, la structure bien charpentée et l'histoire continue, autant la fin vire floue: l'auteur nous perd dans une guerre dans laquelle les personnages apparaissent et disparaissent, sans qu'on ne sache trop bien d'où ils viennent et quels sont leur rôle. On décroche subitement à partir du chapitre 13. La situation devient confuse, et les protagonistes difficilement identifiables rendent l'histoire plus confuse encore. Il semble que l'axe central soit dilué dans une guerre qui ressemble plus à des échauffourées qu'à un combat ordonné. Les deux derniers chapitres tentent de remettre de l'ordre et de ramener le point central, en expliquant la cause de toutes ces morts et de ces batailles. Mais cela sonne creux et semble être un justificatif qui tombe comme un fruit trop mûr. De même que l'histoire se perd et bascule dans un chaos, l'écriture est tremblante, moins sûre, plus lourde... un peu comme si l'auteur avait du mal à s'y retrouver lui-même. Elle redevient belle et resplendissante dans les derniers chapitres. Dommage. Dans l'ensemble l'histoire se tient, toutefois elle aurait pu avoir un retentissement bien plus important. Toutefois il faut remarquer l'excellent français, le choix dans la vocabulaire ; les métaphores resplendissantes et l'imagination fertile de l'auteur.
C'est pourquoi Saisons d'écriture note ce livre
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